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Christine Van Acker a écrit un pamphlet sous le titre La dernière convocation, publié au Cactus inébranlable. Avant d’être un livre, la dernière convocation est une réponse au Forem qui l’avait convoquée une énième fois.
Christine Van Acker œuvre en littérature, publie des livres, anime des ateliers d’écriture, réalise des créations radiophoniques… mais aux yeux de l’administration, elle demeure une demandeuse d’emploi qui est amenée à se justifier " de ne pas exercer un vrai métier ".
Elle avait le statut d’artiste mais un jour, elle a pris le temps d’écrire sa réponse, acerbe, audacieuse, qui pointe les rouages du chômage toujours prêts à broyer de l’artiste. Car du chiffre s’impose là aussi...
D’autres depuis, comme le musicien Quentin Dujardin, se sont également exprimés.

"J'ai décidé qu'une convocation de plus pour justifier mon activité professionnelle auprès du FOREM serait la dernière.
Aussi, plutôt que de m'astreindre à inventer un dossier et me joindre à la schizophrénie ambiante, j'ai préféré écrire "La dernière convocation".
Un texte qui a beaucoup circulé sur la toile, un texte interpellant sur le statut des artistes, de ces intermittents sommés de se justifier auprès des autorités "compétentes".
Un texte que j'ai remis au FOREM en lieu et place du dossier attendu. Un texte que d'autres artistes ont imprimé et déjà joint à leur dossier.
A partir du mois d'octobre 2017, la Belgique comptera une "chômeuse" de moins et une indépendante de plus."
Christine Van Acker
Pascale Tison vous propose un tour de la question avec Christine Van Acker, Quentin Dujardin, Veronika Mabardi et Alain Dantinne.
"Quand les gens sortent de chez vous, sont-ils encouragés à s'élever, à s'améliorer plutôt qu'à rentrer dans le moule d'un système qui obéit à la loi du marché sans tenir compte de la singularité de chacun ? Nous nous sentons tous (artistes ou non) humiliés par vos pratiques, infantilisés, et non responsabilisés.
Nous aurions besoin de confiance plutôt que de méfiance. Entourés par la confiance, nous nous sentirions portés, nous prendrions de l'ampleur. Si c'est la méfiance qui nous tient à l'œil, nous demeurerons tétanisés, nous ne bougerons plus."
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"Aujourd'hui, 24 avril 2017, est le jour de la convocation, ma convocation.
Il est 9 heures 35. Je suis à l'heure. Je me suis habillée correctement, sans trop de chichis. Mes vêtements, pour la plupart achetés en seconde main, n'en ont pas l'air. Aussi, lorsque je sors de chez moi, je puis me mêler indistinctement aux autres personnes, celles qui sont sous contrat d'emploi, les indépendantes, les pensionnées, les étudiantes, les écolières, les mères... M'accompagnent mes fantômes qui, à leur tour, vont se mêler aux fantômes des autres dans une belle et invisible conversation d'ancêtres. Rien, dans mon apparence, dans mes attitudes, ne pourrait faire penser que je suis actuellement, comme vous avez décidé de me le faire croire, une demandeuse d'emploi."
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"J'ai décidé de consacrer ce qui me reste de vie (j'insiste) à ne pas participer à cette dislocation de nos droits sociaux, de nos solidarités, à ne pas creuser encore le fossé entre les nantis et les de plus en plus précaires, de mettre mon temps à profit, et non pas dans le profit, d'une amélioration de notre société et non à sa dégradation. C'est pour cette raison que je ne veux plus le perdre en répondant à de vaines convocations, en signant des contrats qui prouveraient que je suis bien " activée ". Je le suis, bien active, c'est-à-dire vivante.
Tous, nous devrions avoir ce courage, nous aurions tout à y gagner. Imaginez-vous cette foule de nouveaux non-chômeurs dans la rue. Imaginez alors ce que vous pourriez faire, vous, de votre emploi devenu inutile. Nous rejoindriez-vous ? Nombreux, nous nous tiendrions bien chaud.
Aujourd'hui est le jour de ma dernière convocation."
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"Je pense qu'il y a une volonté politique de détricoter, de détruire davantage le monde de l'art. C'est l'interprétation de ce fameux statut qui se détériore. C'est une épée de Damoclès qui s'amplifie au-dessus de votre tête tous les 6 mois, un an, et qui vous demande de prouver sans cesse, de façon absurde, quel est votre métier. C'est une forme de gestapo étatique par rapport à un travail qui est le mien, celui d'artiste, et qui est clairement oublié. On souhaite vraiment nous mettre sur une voie de garage et espérer qu'on n'aura plus grand chose à dire.
Je pense que c'est une volonté néo-libérale qui nous dépasse et qui dépasse Monsieur Michel. Ce sont des intérêts économiques qui ont tendance à valoriser un mode de pensée beaucoup plus facile à vendre économiquement que de laisser des gens être créatifs et proposer une autre vision du travail. Car c'est bien de cela qu'il s'agit, c'est la question du travail."
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Article: La Première